Eoliennes terrestres

Enquête publique sur projet éolien d’Arguel

Publié le 24 juin 2008

Amiens, le 05 juin 2008

Monsieur le Commissaire-enquêteur,

Nous avons pris connaissance du dossier présenté par la Société SARL Energieteam et la société Ferme Eolienne d’Aguel SAS. relatif au projet d’implantation de 6 éoliennes sur le territoire de la commune d’Arguel.

Nous nous sommes intéressés à l’étude d’impact et plus précisément au volet sur la faune volante. Bien que nous n’ayons pas d’a priori négatif et aucune réticence au développement de l’éolien, nous souhaitons aborder quelques remarques mis en avant dans le rapport et estimons cette étude insuffisante sur plusieurs points.

Page IX du résumé non technique, l’opérateur signale que « le site n’est pas utilisé de manière uniforme par la faune et que la partie sud au bord de la vallée du Ligier est plus fréquentée » et dans le conclusion il écrit « il apparaît toutefois que les abords des boisements, notamment ceux bordant la vallée du Ligier sont nettement plus intéressant que le plateau agricole alentour ».
Pourtant lors du choix d’implantation des éoliennes, la variante retenue est celle qui place les éoliennes au plus près de cette vallée et donc des zones les plus fréquentées par la faune.
Dans les critères de choix mis en avant par l’opérateur, il apparaît que si la variante 3 d’implantation est celle qui impact le moins le paysage, notion toute suggestive, il est évident qu’elle a aussi l’impact le plus important sur la faune et notamment l’avifaune, comparée au deux autres variantes.
Il faudrait donc soit choisir un autre projet d’implantation, soit déplacer ou supprimer les deux éoliennes les plus proches de la vallée.

Comme signalé dans l’étude d’impact, le projet se situe à proximité d’une zone natura 2000, la Vallée de la Bresle. De part sa nature le projet est susceptible d’avoir des incidences sur l’avifaune et notamment les chauves souris présentes dans cette zone natura 2000. Il serait donc souhaitable qu’une étude d’incidence du projet sur ces espèces recensées au titre de la directive européenne et susceptibles d’être affectées par le projet soit réalisée.

En ce qui concerne l’étude des chiroptères (chauves-souris).

Même si l’étude menée est bien meilleure que celle de nombreux autres projets éoliens, au vue des enjeux départementaux voir régionaux connus sur la zone pour la conservation des chiroptères, nous ne pouvons pas la qualifier de suffisante.

Pour réaliser une étude sur les chiroptères dans le cadre des projets de parc éolien, nous nous basons sur le protocole élaboré par la SFEPM (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères) depuis plusieurs années.
Ce protocole de quelques pages est une référence nationale pour ce type d’étude. Il est disponible sur le site de la SFEPM (www.sfepm.org). A ce protocole peut être ajouté le protocole « Eurobat » mis en place au niveau européen.

Il recommande dans un premier temps la réalisation d’un pré-diagnostic basé sur :
· une compilation des données existantes sur les espèces, les gîtes d’hibernation, de reproduction (recherche dans les bases de données, la bibliographie, interrogation des chiroptérologues locaux, etc.)
· une analyse cartographique des habitats et structures paysagères afin de déterminer les enjeux potentiels.
Pour pouvoir réaliser une synthèse exhaustive, il faut travailler sur 10 km autour du projet. Sans compter une synthèse sur les enjeux à 20 à 30km autour du projet pour tenir compte des capacités à parcourir de longues distances de certaines espèces lors des phases de migration ou des activités de chasse.

- Comme souvent le bureau d’étude établit sa recherche de données en se basant sur les inventaires ZNIEFF et Natura 2000 qui sont loin d’être exhaustifs. Il existe des associations ou groupes chiroptèrologiques locaux ou départementaux qui réalisent des études et des suivis de populations susceptibles de renseigner les bureaux d’études sur les enjeux locaux.
Le conservatoire des sites naturels de Picardie en est un parmi d’autre. Aucun autre contact n’apparait dans les documents.

- les sites d’hibernation et de reproduction ne sont évoqués que par les descriptifs des fiches ZNIEFF. Pourtant les enjeux locaux sont très importants. Pour ne citer que les principaux :
Concernant les sites de reproduction : Deux sites situés à proximité du projet bénéficie d’une protection contractuelle par le Conservatoire des Sites Naturels de Picardie, un troisième d’un très fort intérêt a été découvert cet hiver chez un propriétaire privé qui semble favorable à sa mise en protection. Enfin le site le plus important connu à ce jour dans le département de la somme et situé à proximité n’est pas memtionné.
Concernant les sites de reproductions : Il y a une colonie importante de grand murin(Myotis myotis ) à Aumale. C’est assez loin du projet mais l’espèce fait quotidiennement des aller retour de 30 à 40 km pour chasser. Deux autres colonies beaucoup plus proche sont suspectées dans les secteurs de Rambures et d’Airaines, enfin une colonie de grand Rhinolophe(Rhinolophus ferrumequinum) (annexe II de la Directive habitat) a été localisée chez un propriétaire privé qui refuse toute prospection chez lui. Mais au vue des effectifs hibernants dans cette zone cette colonie est d’ampleur régionale. Elle est sans doute une des rares à être encore fonctionnelle ; une autre est connue dans l’Aisne, une deuxième y est supposée et il n’y en a plus de connu dans l’Oise.

Les chauves souris se déplacent entre ces différents sites entre les périodes de reproduction et d’hivernage, parfois sur des dizaines de km. Leurs localisation peut permettre de définir certains axes de déplacements.

La synthèse des données réalisée dans le pré diagnostic paraît donc insuffisante pour justifier pleinement des enjeux présents.
Non seulement 9 espèces de chiroptères sont recensées à proximité du site, mais on trouve à proximité des sites d’hivernage et de reproduction d’intérêts départementale voir régional pour certaines espèces.

Dans un deuxième temps, ce pré-diagnostic doit servir de base de travail pour les études de terrain s’étalant sur un cycle complet d’activité des chauves souris soit une année entière.
Cette phase de diagnostic se décompose de la façon suivante :
· Pendant la période hivernale, recensement de la population hibernante dans un rayon de 10 km autour du projet.
· Sorties nocturnes au détecteur à ultrason pour :
-la migration de printemps (avril)
-l’activité des espèces résidentes (juin juillet août)
-le transit automnal et la migration (suivant les régions de mi août à fin novembre).

- Le nombre de sortie au détecteur dépend de l’ampleur du projet. Ici 8 sorties minimum auraient été nécessaires, comprenant la visite des sites d’hibernations et de reproductions recensés ; au moins les plus proche cités dans les fiches ZNIEFF, et des sorties nocturnes réparties sur les périodes de migration et d’activités et non pas comme l’a fait le bureau d’étude seulement en période d’activité.
D’autres espèces fréquentant le site notamment lors de leurs déplacements auraient alors pu être mise en évidence.

- De plus, à l’aide de l’analyse de la structure paysagère et des résultats des écoutes ultrasoniques, une analyse des axes de migrations et de déplacement possibles et avérés des chauves-souris sur le site aurait du être fournie. La carte des trajets du grand Murin qui les montre comme contournant le parc éolien en suivant les espaces boisés ou dépressions tout autour est une vue de l’esprit !!!
Grands murins et vespertilions à oreilles échancrées traverseront en ligne droite. Il est désormais largement démontré que la deuxième espèce est coutumière du fait. Elle a été suivi par radio tracking sur 12 à 15 km volant en ligne droite à travers un openfield. Dans le cas d’Arguel le fait que l’openfield soit partiellement entouré de bois est donc un facteur aggravant qui n’a pas été (assez) pris en compte dans le rapport d’étude.

- L’aspect particulier des chauves-souris migratrice n’est pas étudié de façon détaillée dans l’étude d’impact sur les chiroptères, alors même que ces espèces sont particulièrement sensibles aux projets éoliens susceptibles de couper les routes de vol et d’entraîner des dégâts importants sur les populations.
Citons, la noctule de Leisler (Nyctalus leislerii), la pipistrelle de nathusius(Pipistrellus nathusii). Deux espèces présentes vers la côte Picarde et certainement présentes sur la zone. En l’absence d’écoute ultrasonique lors des périodes de migration (printemps, automne), nous ne pouvons pas conclure en l’absence d’impact du projet sur ces espèces.

- Cette méconnaissance sur les déplacements des chiroptères sur le site peut conduire à des choix parfois inadaptés d’implantation de certaines éoliennes qui peuvent gêner leurs déplacements et augmenter les risques de collisions.

Au vu de ces remarques, il apparaît clairement que la phase diagnostic n’a pas été suffisante.

Les mesures compensatoires.

Une mesure compensatoire dans ce type de projet, vise à « compenser » l’impact des éoliennes notamment sur la faune volante.
La proposition de suivi des chauves souris n’en est pas une. Il peut permettre de montrer l’impact ou non du projet sur les populations si l’étude avant projet a été correctement menée ;
Celle de grillager les zones d’aérations des éoliennes pour éviter l’entrée des animaux est une mesure préventive ;
La plantation de haie peut-être considérée comme une mesure compensatoire favorisant la reproduction de certains oiseaux, mais il faut faire attention à la manière dont sont implantées ces haies, car les chauves souris peuvent les suivre pour chasser et être dirigées vers les éoliennes augmentant ainsi les risques de collision. Elle doivent être placées de manière à favoriser le contournement du Parc. Les implantations prévues par le bureau d’étude semble donc inadaptées.

De vrais mesures compensatoires seraient de proposer la mise en protection de site d’hibernation supplémentaires et/ou de site de reproduction pour favoriser l’augmentation des effectifs et compenser les destructions qui seront occasionnées par les éoliennes. Sur une zone avec de tel enjeux, cela paraît plus que nécessaire.

Pour finir, le bureau d’étude n’aborde pas l’aspect cumulatif du parc avec d’autres projets, éoliens ou non, réalisés ou à venir. Si un projet peut n’avoir qu’une influence limitée sur la faune sauvage, l’accumulation de projet peut avoir des conséquences plus importantes, notamment sur les possibilités de déplacement ou de migration de certaines espèces. Hors plusieurs projets éoliens sont signalés à proximité de celui d’Arguel. Quel sera l’impact lorsqu’ils seront tous construis ?

Au vue des enjeux environnementaux présents à proximité du projet, nous demandons que des études complémentaires soient réalisées (chiroptères, étude d’incidence sur la zone Natura 2000).
Si le projet recevait un avis favorable, nous demandons que le nombre d’éolienne soit réduit à 4 ou 5, que les mesures compensatoires que nous signalons soient appliquées et qu’aucun projet d’extension du parc ou de création d’un nouveau parc à proximité ne soit accordé.

Demeurant à votre disposition pour toutes informations complémentaires, nous vous prions de croire, Monsieur le Commissaire-enquêteur, en l’assurance de nos salutations respectueuses.


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